Le Curé d’Ars : je te montrerai le chemin du Ciel

« J’ai vu Dieu dans un homme ! » dit un jour un paysan d’Ars pour décrire son curé. Quel prêtre ne rêverait pas d’un tel éloge ? Voilà pourtant bien ce qui se disait de l’abbé Jean-Marie Vianney dans les années 1850, quasiment canonisé de son vivant, en tout cas mort en odeur de sainteté. Un prêtre qui a bien failli ne jamais être ordonné, qui toute sa vie s’est trouvé indigne de sa charge au point de tenter à plusieurs reprises de « s’enfuir » de sa paroisse, et devenu saint patron de tous les curés de l’univers !

Né en 1786, il voit ses parents, simples cultivateurs mais ardents catholiques, risquer leur vie pour le Christ en aidant des prêtres réfractaires ; et c’est dans la clandestinité qu’il recevra pour la première fois la communion. Il aide à la ferme et va garder les bêtes avec ses frères et sœurs (il en a 5). Il aime bien garder les bêtes : ça lui laisse du temps pour prier. Il veut être prêtre, mais son père ne l’entend pas de cette oreille : on a besoin de lui à la ferme. Il finit par se laisser fléchir, et notre Jean-Marie a déjà 20 ans quand il entre au séminaire. Malheur : les études sont en latin ! Pour lui qui a déjà du mal avec le français (dans les tourments de la Révolution, il n’y avait plus d’école dans son village de Dardilly), c’est un supplice. Ce n’est pas qu’il manque d’intelligence, et encore moins de piété, mais la mémoire lui fait défaut. Un de ses condisciples essaie de l’aider en lui donner des leçons particulières ; mais un jour, exaspéré par sa lenteur, il le gifle. Croyez-vous que Jean-Marie va se fâcher, se venger, ou bouder dans un coin ? Pas du tout : il se met à genoux devant son camarade et lui demande pardon d’être si bête ! Finalement, après bien des vicissitudes, il est ordonné prêtre, puis envoyé comme chapelain dans le petit village d’Ars-sur Forman, dans les Dombes. Il y fera des miracles.

« Vianney ! Je finirai par t’avoir ! »

Tout a déjà été dit sur l’abbé Vianney : son amour de la pauvreté, qui le pousse à débarrasser son presbytère, trop luxueux à son goût ; les pénitences effrayantes qu’il s’imposait, non seulement pour expier ses propres péchés, mais pour ceux de ses paroissiens ; sa sollicitude pour ses ouailles, qui le faisait parcourir les campagnes environnantes, à pied, par tous les temps ; les heures de prière, à genoux sur la dalle froide de l’église ; les miracles réalisés « par l’intercession de sainte Philomène », comme les multiplications de blé ou de farine pour nourrir les filles de l’orphelinat qu’il a créé, ou les malades qu’il guérit, tout confus de sa propre puissance, par simple imposition des mains ; ses homélies qu’il préparait avec beaucoup de zèle, mais qu’il oubliait aussitôt et qui, de ce fait, étaient bien souvent improvisées ; et bien sûr, ses journées entières au confessionnal, où l’on se bouscule pour se confesser à lui, à cause de sa bonté et de son charisme pour « lire dans les âmes ».

Mais il y a aussi les attaques et les calomnies, qu’il accueillait toujours avec douceur et humilité, car il savait que, si elles étaient fausses, elles n’étaient pas imméritées : il était tellement indigne d’être curé ! Et les colères du démon, le « grappin » comme il l’appelait, qui se manifestaient par des bruits étranges et des coups dans les murs et les portes, à longueur de nuit : « Vianney ! Vianney ! Je finirai par t’avoir ! » Et surtout, la tentation du désespoir qui l’a rongé toute sa vie, lui qui reçut toutes les marques d’honneur, le camail de chanoine et la Légion d’honneur, comme autant d’humiliations. Celui que tout le monde déclarait saint, se bousculant pour le toucher, allant jusqu’à tenter d’arracher de ses cheveux comme reliques, ne voyait que sa pauvreté, ses faiblesses, ses péchés : « Mon cœur est sec comme de l’amadou, dur comme un caillou, froid comme le marbre. Tantôt je suis dans le chagrin, tantôt le dégoût de la prière m’accable. »

Saint, le curé d’Ars ! Oh oui, sans aucun doute. Mais le secret de sa sainteté n’est pas dans ses mortifications spectaculaires, ni les charismes divers et variés dont il fut gratifié, ni dans ses confessions célèbres. « Que faut-il faire pour être un saint ? », lui demande-t-on un jour ; « Il suffit de dire oui » …

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