Parmi les saints officiels de l’Église catholique, il y a de tout : des grands et des petits, des connus et des obscurs, des jeunes et des vieux, des très actifs et des très contemplatifs. Ils ont tous un point commun : l’amour du Christ au-delà de leur propre vie.
« Si tu le veux, Jésus, je le veux moi aussi ». C’est avec ces mots que la jeune Chiara Badano accueille l’annonce de sa maladie. Elle a alors 17 ans et, en ce début d’année 1989, on vient de lui diagnostiquer une forme grave de cancer des os. Lorsqu’à la suite de sa première séance de chimio à l’hôpital, elle comprend qu’elle ne guérira pas, elle rentre chez elle, lentement, se laisse tomber sur son lit en disant à sa mère : « Ne parle pas, ne parle pas. » Elle reste comme ça 25 minutes, puis se tourne vers sa mère en souriant et lui dit : « Maintenant, tu peux parler ». « Pour être saint, il suffit de dire oui », disait le Curé d’Ars ; Chiara a mis 25 minutes pour dire ‘oui’ à Dieu, et elle n’a jamais regardé en arrière. Vingt cinq minutes pour une éternité, le deal est intéressant …
J’ai redécouvert l’évangile …
Unique fille de Ruggero Badano, chauffeur de camion, et de Maria Teresa, très aimée de ses parents (ils ont attendu 11 ans la joie d’avoir un enfant), Chiara a un caractère généreux et ouvert, à la fois doux et fort ; élevée dans la foi chrétienne, à 4 ans elle donne ses plus beaux jouets pour des enfants pauvres : « Aux enfants pauvres, on ne peut pas faire cadeau de vieux jouets ! » Au printemps 1981, elle participe avec ses parents au Family Fest, une rencontre internationale à Rome ; c’est là qu’elle découvre les Focolari, ce mouvement fondé en 1943 par Chiara Lubich, dont l’objectif est de vivre l’évangile pour construire un monde plus uni, dans le respect et la valorisation des différences. « Je n’étais pas une vraie chrétienne parce que je ne le vivais pas jusqu’au bout. Je ne veux pas et je ne peux pas rester analphabète face à un message aussi extraordinaire. Maintenant, je veux faire de ce magnifique livre le seul but de ma vie ».
Elle devient « gen 3 », du nom de la nouvelle génération des Focolari, et participe à des rencontres locales et régionales. À l’école, elle a beaucoup de copains, et lorsque sa mère lui demande si elle leur parle de Dieu, elle lui répond : « Je ne dois pas leur parler de Jésus, je dois le leur donner » Comment ? « D’abord par mon attitude d’écoute, puis par ma façon de m’habiller, mais surtout par ma façon d’aimer ». Tout est là ; plus tard, lorsqu’elle aura perdu l’usage de ses jambes, elle confiera à sa mère : « Tu vois, je n’ai plus rien, mais j’ai encore un cœur, et avec ça je peux encore aimer ».
Je sens que je fais partie d’un magnifique dessein qu’on me dévoile peu à peu
La foi n’empêche ni la souffrance ni la peur. « Peut-on mourir à 17 ans ? » s’interroge-t-elle, et elle demande à sa mère de ne pas lui lâcher la main : « Ne t’inquiète pas, je ne te la lâcherai que quand je verrai que la Sainte Vierge te l’aura prise » répond celle-ci. L’attitude de ses parents est une aide immense ; ils l’accompagnent dans sa maladie, toujours présents, pleins d’amour et d’espérance. Son père témoigne : « En voyant comment elle vivait la maladie, nous ne pouvions pas rester à notre niveau humain, fait de tristesse et d’inquiétude pour l’avenir. Ce qui nous a toujours aidés pendant ces deux ans, c’était la présence de Jésus parmi nous, cet élan pour essayer de lui offrir notre douleur, autant que nous étions capables, tous les trois et chacun à sa façon, afin qu’il nous donne la force. Et il y avait cette sérénité, cette dimension surnaturelle. En y repensant aujourd’hui, ces deux années ont été les plus bénies par Dieu ».
Chiara Badano correspond régulièrement avec Chiara Lubich, la présidente et fondatrice des Focolari ; à sa demande, celle-ci lui donne un nom nouveau : Chiara Luce, la lumière. Et c’est vrai que ce qui frappe au premier abord, c’est son sourire lumineux et son regard brillant. Même lorsque la chimio lui aura fait perdre tous ses cheveux, même lorsqu’elle ne sera plus qu’un pauvre corps amaigri et souffrant, elle ne perdra jamais ce sourire et cette lumière.
« J’ai compris que si nous sommes ouverts, si nous sommes prêts à tout, Dieu nous envoie beaucoup de signes. Souvent, Dieu passe à côté de nous, et on ne s’en rend pas compte. »
Maman, ciao ! sois heureuse parce que moi, je le suis
Sa chambre, où elle continue de recevoir ses amis et sa famille, devient un lieu de sainteté extraordinaire dans la vie la plus ordinaire. Elle parle peu de sa maladie, mais s’intéresse à chacun, aux médecins, aux infirmières, leur pose des questions sur leur vie, leur famille, leurs enfants. « La médecine a déposé les armes » écrit-elle, et de son côté elle refuse la morphine pour pouvoir rester lucide jusqu’au bout. Sachant sa mort prochaine, elle se prépare et prépare ses proches, choisit la messe de son enterrement, les chants, les vêtements. Ses derniers mots à sa mère : « Mamma, ciao ! sii felice, perché io lo sono » Son dernier acte d’amour : donner ses cornées, seule partie de son corps qui n’était pas atteinte par la maladie.
Chiara Luce meurt au petit matin du 7 octobre 1990, en la fête de Notre Dame du Rosaire ; elle aurait eu 19 ans à la fin du mois. Vingt ans plus tard, en septembre 2010, elle est béatifiée par le pape Benoît XVI. Depuis, ses parents parcourent le monde pour témoigner de cette sainteté à la fois simple et étonnante, à l’image de cette gamine rieuse et extravertie, dont la vie intérieure a bouleversé tous ceux qui l’ont côtoyée. Une lumière pour notre temps …