Le temps liturgique

Vous aurez peut-être remarqué que dans les articles consacrés à la liturgie, un mot revient régulièrement : le temps. Il y a des temps différents au cours de la messe, des temps dans la semaine, des temps dans l’année. Le temps revient tout le temps !

Deux temps, trois mouvements

Qu’est-ce que le temps, me demanderez-vous ? Aaaaargh ! Vaste question sur laquelle se sont penchés moult physiciens et philosophes. Le dictionnaire le définit comme « un milieu infini dans lequel se succèdent les événements », le « mouvement ininterrompu par lequel le présent devient le passé, considéré souvent comme une force agissant sur le monde, sur les êtres ». Il y a le temps qu’on gagne, qu’on perd ou qu’on tue ; le temps qui fait son œuvre et qui efface les peines comme les joies ; le temps qui passe (le temps linéaire) et celui qui revient (le cycle du temps) ; les temps et les demi-temps signifiés noir sur blanc sur une partition, et mis en sons par l’instrument. Quelque soit l’angle sous lequel on l’aborde, le temps est lié au mouvement, au changement ; il en est même la condition.

Au commencement, Dieu créa … le temps ! Et oui, la première chose que Dieu crée, c’est le temps. Avant le ciel et la terre, avant la lumière et les ténèbres, il crée le temps. Au commencement … ce fut le premier jour … le deuxième jour … tout ça, c’est du temps. Pas de matière sans temps, pas de vie terrestre sans temps.

De fête en fête

Le temps pourrait être une donnée monotone, avec ses jours qui se succèdent et ses saisons qui reviennent invariablement (même si, avec le réchauffement climatique, ‘ya plus d’saison, ma brav’ dame !’). Alors pour que régularité ne rime pas avec banalité, Dieu crée les fêtes : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel, pour séparer le jour de la nuit ; qu’ils servent de signes pour marquer les fêtes, les jours et les années » (Ge 1, 14).

Dieu crée le soleil et la lune (les luminaires) pour marquer les fêtes, les jours et les années. Cette séparation du temps (le mot temps a une lointaine racine grecque signifiant couper) en éléments finis est donc bonne et voulue par Dieu : la séparation est une condition de la vie. De même qu’il n’y a pas de musique sans rythme, il n’y a pas de vie sans séparation, sans changement. Il n’y a pas de vie sans fête.

Mais plus encore, par cet événement unique et inouï de la naissance de Jésus, Dieu lui-même est entré dans le temps des hommes. Depuis que Dieu est entré dans l’Histoire, cette histoire est sainte et le temps est sacré. Sanctifier le temps, la journée et l’activité humaine est un des buts de la liturgie. C’est une manière d’inscrire le temps des hommes dans le temps de Dieu, et réciproquement

Sanctifier le temps

Les jours : chacune de nos journées est marquée de petits rituels auxquels on ne prête plus attention (se lever, s’habiller, déjeuner, etc.). De même en liturgie, il y a la prière du matin et la prière du soir, la prière avant le repas et celle avant la nuit …

Les semaines : le premier des jours de la semaine est le Jour du Seigneur, le Dies dominicus qui a donné notre dimanche. On y célèbre le Repas du Seigneur en appelant de nos prières le jour du festin des noces éternelles. Le dimanche est aussi le huitième jour, le jour de la Résurrection, qui évoque déjà pour nous notre propre résurrection.

Les mois : la Liturgie des Heures (le bréviaire) nous invite à prier les psaumes sur quatre semaines (calendrier lunaire) ; mais il y a aussi les quatre semaines de l’Avent, le mois de Marie (en mai), le premier samedi du mois et sa communion réparatrice (Notre Dame de Fatima), etc.

L’année : il y a des fêtes à dates fixes (Noël le 25 décembre, la Toussaint le 1er novembre, l’Assomption de la Vierge le 15 août, et toutes les fêtes des saints), mais aussi les fêtes dites « mobiles », dont la date dépend … de la lune (Pâques, Pentecôte, Trinité, Sacré Cœur, etc.). Et puis, il y a les années jubilaires, avec des thèmes particuliers, qui nous permettent de nous pencher plus longuement sur tel ou tel aspect de notre foi …

L’année liturgique

Elle commence le 4e dimanche avant Noël (1er dimanche de l’Avent) et se termine par la fête du Christ Roi de l’univers. Pourquoi commencer l’année par l’Avent ? Parce qu’il y est question de naissance, de nouveauté, de renouveau. Tous les parents le savent, la préparation d’une naissance est un temps de retour sur soi, d’interrogation sur ses capacités à accueillir une nouvelle vie, et par là-même à renouveler sa propre vie. Ce temps particulier, l’Église le symbolise par la couleur violette, qui est la couleur de la préparation et de la pénitence.

Le jour de Noël commence un autre temps, celui précisément de Noël. C’est la fête, et la fête est symbolisée par la couleur blanche. Le temps de Noël dure jusqu’au baptême du Christ, le 8 ou le 9 janvier (selon les années), soit un peu moins de trois semaines ; entretemps, on aura réussi à y caser les fêtes de la Sainte Famille (le dimanche après Noël), Marie Mère de Dieu (le 1er janvier), et l’Épiphanie (le 6 janvier ou le dimanche après la Sainte Famille).

On entre alors dans la première partie du temps dit ordinaire, non pas parce qu’il serait banal, mais parce qu’il est « ordonné », « dans l’ordre » (c’est l’étymologie du mot). Sa couleur est le vert, couleur de la croissance et de l’espérance. Le temps ordinaire dure en tout 34 semaines, jusqu’au 1er dimanche de l’Avent de l’année suivante ; mais il est interrompu par la longue séquence du Carême et du temps pascal, qui dure en tout 13 semaines. Comme la date de Pâques n’est pas fixe, toutes les dates qui en dépendent (début du Carême, dimanche des Rameaux, Pentecôte) sont également variables.

Tout tourne autour de Pâques

Comment calcule-t-on la date de Pâques ? C’est « le premier dimanche après la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps » ! Une manière bien peu moderne de compter, me direz-vous ; mais elle signifie que l’Alliance définitive entre Dieu et l’homme (la mort et la résurrection du Christ) ne se situe pas en dehors du cosmos : le salut des hommes est aussi le salut de la création tout entière.

Donc une fois qu’on a la date de Pâques, on trouve celle du mercredi des Cendres qui ouvre le Carême (46 jours avant) et celle de Pentecôte qui clôt le temps pascal (49 jours après).

Le Carême est un temps de pénitence qui dure 40 jours (chiffres symbolique signifiant la maturation, dans l’Ancien Testament), plus la Semaine Sainte, la grande semaine de la Passion. Sa couleur est le violet (préparation, pénitence), sauf le dimanche des Rameaux (rouge, couleur du martyre) et le Jeudi Saint (blanc, pour l’institution de l’Eucharistie).

Le temps pascal commence le dimanche de Pâques et s’achève sept semaines plus tard par la fête de la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint. La couleur blanche est de mise durant ces jours, mais à la Pentecôte on utilise le rouge, qui est aussi la couleur de l’Esprit Saint. Et le lendemain commence la deuxième partie du temps ordinaire, jusqu’à l’Avent suivant. 

La spirale du temps

L’année liturgique serait donc une roue qui tourne bêtement sur elle-même ? Pas vraiment, car si les « temps » se succèdent invariablement, les lectures de la messe, elles, s’étalent sur trois années A, B et C. L’ensemble n’est donc pas statique ou immuable, mais avance petit à petit, non comme une roue, mais plutôt comme une spirale ou une vis sans fin …

Sans fin ? Nous savons bien que non, qu’il y aura une fin à ce temps. En s’arrêtant de créer le septième jour, Dieu a passé la main à l’homme et lui a confié le soin de continuer son œuvre de création. Tout n’a pas été donné à la fois, la création est sans cesse en acte ; de même que le temps s’écoule, l’espace s’agrandit (l’expansion de l’univers). La fin de ce temps n’est autre que l’achèvement de la création, la fête définitive, éternelle, où la multitude des élus chantera le cantique toujours nouveau. En attendant (ou plutôt en préparant), nous ne cessons, comme le disait Grégoire de Nysse, « d’aller de commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin ».

Image © Elisée

 

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