Thérèse de Lisieux, pas si petite que ça !

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, plus connue dans le monde entier sous le vocable de Thérèse de Lisieux, ou petite Thérèse, a été désignée par le Pape Pie X comme « la plus grande sainte des temps modernes ». Mais qu’a-t-elle donc fait, cette petite carmélite, pour mériter un tel éloge ?

À proprement parler, rien. Ou très peu. Née à Alençon en 1873, grandie à Lisieux après le décès de sa mère alors qu’elle n’a que quatre ans, elle entre au carmel de Lisieux en 1888 et y meurt de la tuberculose neuf ans plus tard, à même pas 25 ans. Pas le temps d’accomplir des exploits extraordinaires, ni d’écrire des sommes théologiques, ni de fonder des congrégations ou des séminaires. La vie cachée d’une carmélite, avec ses joies simples et ses soucis quotidien ; pas de quoi fouetter un chat. Et pourtant, voilà une jeune femme qui n’a jamais ou presque quitté sa Normandie et qui est patronne universelle des missions ! qui n’a écrit que le récit de sa vie et quelques poèmes et récréations pieuses, et qui se retrouve docteur de l’Église ! qui meurt ignorée de tous dans un obscur carmel de province, et dont les reliques font aujourd’hui le tour du monde et attirent des foules innombrables !

Cette simplicité apparente, à la limite du gnangnan, c’est précisément sa grandeur. La doctrine de Thérèse, c’est la confiance et rien que la confiance. Facile me direz-vous ? Essayez un peu, pour voir !  

Tout est grâce !

Tout est grâce, dit-elle. Oui, tout est grâce, y compris notre pauvreté radicale, y compris notre faiblesse, y compris nos fautes. Tout est grâce, à condition de faire appel à Dieu, de s’appuyer sur lui dans le bonheur comme dans le malheur ; tout est grâce à condition de reconnaître notre incapacité à avancer seul, de renoncer à atteindre le surnaturel par des moyens naturels. Tout est grâce, à condition d’avoir l’audace de désirer la sainteté, et pour cela, de « ne faire valoir  devant Dieu que la faiblesse radicale et la pauvreté spirituelle d’une créature pécheresse » (Pie XII).

L’audace, voilà le maître mot du caractère de Thérèse. Elle est, il faut le dire, folle amoureuse de Jésus, amoureuse comme une femme peut l’être. Et l’amour donne tous les courages, comme d’aller trouver le pape (Léon XIII à l’époque) pour obtenir de lui l’autorisation d’entrer au carmel à 15 ans ; comme de devenir maîtresse de novices parfois plus âgées qu’elle (elle est si jeune !) ; comme d’accomplir scrupuleusement et fidèlement tous les actes de la vie religieuse et d’obéir sans sourciller à une prieure de 40 ans son aînée ; comme de réconforter ses sœurs qui la voient souffrir au plus fort de sa maladie ; comme de croire encore, au plus obscur de sa nuit spirituelle ; comme de découvrir une « petite voie » vers la sainteté, et d’y marcher résolument, et même d’y entraîner ses sœurs. 

Mais on ne peut parler de Thérèse sans mentionner sa famille : ses parents « plus dignes du Ciel que de la terre », disait-elle, et qui de fait ont été déclarés saints par le Pape François en 2015 ; ses quatre sœurs, toutes devenues religieuses : Pauline, Marie et Céline au même carmel de Lisieux (dont Pauline sera la prieure pendant 37 ans !), et Léonie à la Visitation de Caen (son procès de béatification est en cours) ; sa cousine Marie Guérin, qui fut sa novice au carmel.

Vie posthume

Châsse de Sainte Thérèse, Chapelle du Carmel, Lisieux

L’histoire de Thérèse, c’est aussi sa vie posthume, et notamment l’extraordinaire rayonnement de son autobiographie, Histoire d’une âme, écrite à ses rares moments libres par obéissance à sa prieure. Publié un an après sa mort à 2000 exemplaires, le livre obtient un tel succès qu’il doit être réédité six mois plus tard. Traduit en plus de 50 langues, il a aujourd’hui été vendu à plus de 500 millions d’exemplaires ! La première fois que je l’ai lu, j’avoue que j’ai été décontenancée par le côté « petites fleurs » des premières pages. Mais comme j’avais lu ailleurs que c’était une grande sainte, je me suis obstinée, et là j’ai découvert, non pas « sous les pavés, la plage », mais sous les petites fleurs, le roc d’une foi inébranlable en l’amour et la miséricorde de Dieu.

À son actif, il faut aussi compter les nombreux miracles et faveurs obtenus par son intercession. Si Thérèse est tellement aimée partout dans le monde, si sa statue est dans toutes les églises, c’est qu’elle écoute et exauce. En 1914, avant même sa béatification, le carmel de Lisieux reçoit 500 lettres par jour ; dans les années 20, au moment de sa canonisation, le chiffre monte à 800. Les foules se pressent à Lisieux, au cimetière d’abord, puis à la basilique où se trouvent ses reliques. Reliques qui, depuis 1950, ont fait non seulement le tour de la France, mais voyagent régulièrement sur tous les continents. Elle qui souhaitait « annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées » voit son rêve accompli !

La sainteté pour tous

Jusqu’à Thérèse, on croyait que pour être saint, il fallait en faire des tonnes, bâtir des cathédrales, en rajouter dans la pénitence et les mortifications. Avec elle, pas de tralala : il suffit de se présenter avec confiance devant Dieu, le cœur et les mains vides, sans vouloir épater la galerie. Elle a rendu la sainteté accessible à tous, et c’est pourquoi elle a été tant décriée par certains (à commencer par ses consœurs) à l’époque d’un jansénisme aride et décourageant, dont il nous est bien difficile de nous départir. Le plus remarquable, c’est qu’elle ait été reconnue par tous les Papes du XXe siècle …

Sœur Marie de la Trinité, qui fut sa novice, écrira après la canonisation de Thérèse : « Je crois bien que c’est la première fois qu’on canonise une Sainte qui n’a rien fait d’extraordinaire : ni extases, ni révélations, ni mortifications qui effraient les petites âmes comme les nôtres. Toute sa vie se résume en ce seul mot : elle a aimé le Bon Dieu dans toutes les petites actions ordinaires de la vie commune, les accomplissant avec une grande fidélité. Elle avait toujours une grande sérénité d’âme dans la souffrance comme dans la jouissance, parce qu’elle prenait toutes choses comme venant de la part du Bon Dieu ».

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