La liturgie de la Parole : le temps de l’écoute

La messe est commencée, nous avons chanté, nous avons reconnu notre petitesse devant l’immensité de Dieu, nous avons imploré sa miséricorde et son salut. Nous arrivons maintenant au temps de la Parole.

Pourquoi ce temps ? Et bien précisément parce que Dieu est grand et que nous sommes petits, parce qu’il est infini et que nous sommes limités, et que donc nous ne comprenons pas encore ce qu’on appelle le mystère du salut (et nous ne le comprendrons que lorsque nous le verrons face à face, et encore). Donc Dieu, en bon pédagogue, va nous l’expliquer, patiemment, dimanche après dimanche. En fait, comme nous avons la tête dure, ça prendra toute une vie.

Dieu, contrairement à ce qu’on pense, parle beaucoup ; ça s’appelle la Bible. Le problème, c’est qu’il parle un langage qu’on a du mal à comprendre, y a beaucoup de quiproquos et de malentendus. Alors il faut toujours recommencer … La liturgie de la Parole est faite pour ça. Elle se déploie de dimanche en dimanche, sur un cycle de trois ans (les années A, B et C), avec des temps « ordinaires » et des temps « particuliers » (Avent, Noël, Carême, temps pascal). Nous reviendrons là-dessus dans un autre article. Ce qu’il faut retenir, c’est que chaque dimanche a une tonalité particulière, en fonction de l’Évangile : c’est lui qui donne le ton, si j’ose dire.

Parole du Seigneur

Donc après l’oraison dite par le prêtre au nom de tous, on s’assoit pour écouter la Parole dans de bonnes conditions. Pendant ce temps, le lecteur s’avance vers une sorte de pupitre qu’on appelle un ambon. Le mot vient du grec anabainein qui signifie monter ; il désigne donc un endroit surélevé, une hauteur, une montagne, lieu privilégié de la rencontre avec Dieu. Au passage, il s’incline devant l’autel en signe de vénération. Il n’a pas à se presser, ni à se cacher : ce n’est pas lui la vedette, c’est la Parole. Lui n’est que le porte Parole !

Cette première lecture est toujours extraite de l’Ancien Testament (sauf pendant le temps pascal où on lit les Actes des Apôtres en continu), et choisie en fonction de l’Évangile du jour. Elle confirme ainsi que Jésus n’a rien inventé, qu’il n’est pas venu « abolir la Loi mais l’accomplir » ; elle donne également à l’Évangile un éclairage particulier, et inversement.
À la fin de la lecture, le lecteur dit « Parole du Seigneur » et l’assemblée répond « Nous rendons gloire à Dieu ». Ce n’est pas obligatoire : si le texte se termine par un truc du genre « La bouche du Seigneur a parlé », inutile d’en rajouter ! Au Congo, on conclue parfois par un « Ainsi nous parle le Seigneur » qui nous interpelle directement et actualise d’un seul coup la Parole prononcée ; je ne sais pas si c’est très liturgique, mais c’est très efficace !

Les mots pour le prier

La lecture est suivie du psaume dit responsorial car il doit être chanté en alternance, soit par deux chœurs qui se répondent, soit par un soliste auquel l’assemblée répond par un court refrain (pour un psaume, on appelle ça une antienne). Le psaume est toujours la réponse des fidèles à la parole qui vient d’être proclamée, une façon de se l’approprier. Mais il est aussi Parole de Dieu puisque tiré du Livre des Psaumes : notre Dieu est si bon qu’il nous donne lui-même les mots pour le prier …

Mais même si le psaume est effectivement Parole de Dieu, il n’est pas considéré comme une lecture, puisqu’il est chanté. La deuxième lecture est une lecture continue, de dimanche en dimanche, d’une épître des Apôtres (Pierre, Paul, Jean ou Jacques). Du moins pendant le temps ordinaire ; dans les temps particuliers, elle est en lien direct avec l’évangile.

Louange à toi, Seigneur Jésus !

Et précisément nous arrivons à la proclamation de l’Évangile, qui est le sommet de la liturgie de la Parole. Pour bien la distinguer, on se lève, on l’acclame par le chant de l’Alleluia (sauf en Carême), on encense le lectionnaire (le livre où se trouvent les lectures). Si les lecteurs ou le chantre peuvent sans problème être des laïcs (c’est en général le cas), l’Évangile, lui, doit toujours être proclamé par un ministre ordonné : un diacre s’il y en a, ou un prêtre. Dans les messes solennelles, il peut être chanté (on dit cantillé), mais c’est un exercice périlleux : la moindre fausse note fout tout par terre ! Bref, c’est un moment important. En principe, on écoute l’Évangile dans la position debout, qui est la position du Ressuscité. Mais selon les cultures, il faut parfois s’adapter. Ainsi, lorsque je suis arrivée au Tchad, j’ai été très surprise de constater que, si les fidèles se lèvent pour l’acclamation, ils se rassoient dès que le prêtre commence la lecture. Et pourquoi donc ? Parce que le chef, on l’écoute assis ! Ça s’appelle l’inculturation …

À la fin de la lecture, il se passe quelque chose d’extraordinaire auquel on ne fait malheureusement pas souvent attention tellement nous y sommes habitués. Le prêtre ou le diacre lève le lectionnaire, de façon à ce que tout le monde le voit bien, et dit ou chante : « Acclamons la Parole de Dieu ! » Et que répond l’assemblée ? Au lieu de répondre un truc sur la Parole ou le Livre, elle chante : « Louange à toi, Seigneur Jésus ! » Et oui : la Parole, c’est le Christ ! Ce que nous entendons chaque dimanche, c’est Jésus lui-même. C’est le deuxième mode de présence du Christ à la messe : la Parole. Il est la Parole de Dieu (le Verbe), en tant qu’expression de l’être de Dieu (comme nos paroles sont l’expression de ce que nous sommes). Si nous devons toujours chercher Dieu, nous ne le cherchons pas à tâtons dans l’obscurité : « Dieu a parlé, il n’est plus le grand inconnu, mais il s’est montré lui-même » (Benoît XVI).

Unir les cœurs qui s’aiment

Arrive le moment délicat de l’homélie. C’est le moment que tout le monde attend, ou redoute, c’est selon. Le Pape François, dans Evangelii Gaudium, en parle avec sa simplicité habituelle : « Les fidèles, comme les ministres ordonnés eux-mêmes, souffrent souvent, les uns d’écouter, les autres de prêcher. » Ben ouais, ça arrive, et même assez souvent. Il faut dire que l’activité est difficile : il ne s’agit pas d’une leçon de catéchisme, ni d’un exposé théologique, ni d’un cours d’exégèse, ni d’un exercice d’éloquence. L’homélie doit montrer comment la Parole peut éclairer notre vie aujourd’hui, afin que nous puissions mieux en vivre dans notre quotidien. Dieu nous parle vraiment, mais nous ne savons pas toujours l’entendre, et même si nous l’entendons, nous ne le comprenons pas toujours, parce que notre cœur est fermé. Le prêtre doit donc parler avec son cœur plus qu’avec sa tête (ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à ce qu’il va dire). François le dit encore de très belle manière : « Le prédicateur a la très belle et difficile mission d’unir les cœurs qui s’aiment : celui du Seigneur et ceux de son peuple. »

Puisque les cœurs sont maintenant unis, nous pouvons répondre en proclamant ce en quoi nous croyons. Il y a deux formules : le Symbole des Apôtres (version courte) et le Symbole de Nicée-Constantinople (version longue). Ils sont, l’un comme l’autre, un résumé de la foi chrétienne (un symbole est, étymologiquement, ce qui met ensemble), et datent des tout premiers siècles. Vous me direz peut-être : je ne peux pas réciter ce truc-là parce que je n’y comprends rien. Ou alors : je ne suis pas bien sûr de croire, alors toutes ces affirmations, ça me passe au-dessus de la tête. Rassurez-vous : moi aussi. Même après des années de catéchisme et de pratique, même avec une licence de théologie, tout cela est encore bien obscur. Mais d’une part, je ne proclame pas ma foi personnelle, mais celle de toute l’Église depuis la résurrection du Christ (ça n’est pas rien) ; d’autre part, il ne s’agit pas de comprendre mais de croire, c’est-à-dire de s’appuyer sur. Comme disait un illustre théologien dont le nom m’échappe : « Je veux bien croire que le Fils est engendré et que l’Esprit Saint procède, mais quant à ce que signifient ces deux termes, je n’en sais rien. » Voilà qui est rassurant.

Au service de tous les hommes

Sûrs de l’amour de Dieu et forts de notre foi, nous pouvons maintenant élargir notre prière pour qu’elle devienne réellement universelle. La Présentation Générale du Missel Romain (PGMR pour les intimes) affirme : « Dans la prière universelle, le peuple, exerçant sa fonction sacerdotale, supplie pour tous les hommes. » C’est dire que, loin de célébrer confortablement notre petite messe à nous et entre nous, nous sommes mandatés par l’Église (notre fonction sacerdotale des baptisés) au service de toute l’humanité. La suite de la célébration en sera la preuve éclatante.

Image © Elisée

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