Le rite d’accueil : le temps du rassemblement

C’est dimanche, et après une grasse matinée bien méritée, l’heure est venue d’aller à la messe. Entre la chemise à repasser in extremis et le caprice du petit dernier, vous voilà bien à la bourre. Pour peu que les places de parking soient rares, le chant d’entrée est déjà commencé quand vous mettez enfin les pieds dans l’église.

Un chant pour être ensemble

Ça tombe bien, le chant d’entrée est justement fait pour ça. À l’origine, il servait à attendre les retardataires ; force est de constater que dans certaines paroisses, il faudrait une bonne vingtaine de couplets ! Comme il y a le rôti dans le four, on n’attendra pas que tout le monde soit là pour commencer, mais c’est bien dommage. Car avant d’être une démarche personnelle, la messe est d’abord la prière de toute l’Église. Nous l’avons vu (cf. Le repas du Seigneur) le mot liturgie signifie action du peuple et le peuple, c’est vous et moi. Il est donc nécessaire de se rassembler, de se constituer en assemblée, pour donner sens à ce qui va suivre.
Plus encore, et c’est une réalité trop souvent oubliée ou mal vécue, le premier mode de présence du Christ à la messe (car le Christ est présent, figurez-vous), c’est précisément dans l’assemblée des fidèles réunis en son nom ! Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux, nous dit Jésus (Mt 18,20). Je ne sais pas vous, mais moi je trouve que ça me donne une sacrée responsabilité.
Pendant le chant d’entrée, en principe, le prêtre s’avance avec les servants d’autel et les servantes d’assemblée, quand il y en a. On appelle ça la procession d’entrée. Dans les messes solennelles, il peut y avoir plusieurs prêtres, l’évêque, des diacres, etc. Le Pape, c’est plus rare, et pour le coup, je ne vous conseille pas d’arriver en retard ! Autrefois, tout le monde arrivait en procession, et c’est encore le cas pour quelques célébrations (Rameaux, veillée pascale, pèlerinage). Quoi qu’il en soit, nous avons besoin d’un temps pour passer de la dispersion au rassemblement, d’une vie parfois bousculée à la prière, pour se constituer en corps du Christ. La procession d’entrée « ritualise » ce temps.
Arrivé devant l’autel, le prêtre le salue en s’inclinant devant et en le baisant, en signe de vénération et de tendresse. Puis il accueille les fidèles « au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ». Nous sommes tellement habitués à la formule que souvent nous n’y faisons pas attention. Pourtant, elle nous rappelle que, si nous venons librement à la messe, c’est en réalité toujours en réponse à l’appel que Dieu nous lance : Dieu nous a aimé le premier.

Viens nous sauver

Puis vient la préparation pénitentielle. Ce n’est pas le moment de faire un examen de conscience en bonne et due forme, mais simplement de reconnaître que nous sommes pécheurs, c’est-à-dire minables. Non pas pour nous dévaloriser à plaisir, mais pour faire ressortir la grandeur de notre Dieu. Pour pouvoir accueillir sa grâce, comme on dit, c’est-à-dire son amour, sa miséricorde, tous les dons qu’il veut nous faire au cours de la messe, et le plus grand de tous : lui-même. Il y a quatre formules pour ça.
La première formule est l’acte de contrition, le Confiteor ou Je confesse à Dieu, suivi du Kyrie. La deuxième est un dialogue entre le prêtre et l’assemblée (Seigneur, accorde-nous ton pardon / Nous avons péché contre toi – Montre-nous ta miséricorde / Et nous serons sauvés), suivi du Kyrie. Ces deux formules offrent la particularité de distinguer l’acte pénitentiel (nous sommes minables) de l’acclamation du Kyrie (Dieu est grand). Kyrie en grec signifie Seigneur ! (avec le point d’exclamation : c’est un vocatif), et à l’origine il n’a pas de signification religieuse ; il désigne l’homme libre par rapport à l’esclave ou le mari par rapport à sa femme : le Maître. Le kyrios par excellence, c’est l’Empereur. Dans nos sociétés occidentales démocratiques, où le président peut être viré à chaque élection, nous avons un peu oublié ce que cela peut représenter. Mais dans les sociétés anciennes ou traditionnelles (en Afrique, par exemple), le Maître est vraiment celui qui a quasiment pouvoir de vie ou de mort. Et à ce Maître tout-puissant, nous disons : eleison ! On traduit par prends pitié, mais le terme évoque plutôt l’huile qui apaise les douleurs, le réconfort. Il ne s’agit donc pas tant de se regarder soi et de se complaire dans notre petitesse, que d’attirer l’attention de Dieu sur notre misère pour qu’il vienne nous consoler.
La troisième formule est une litanie courte (trois invocations) rappelant les mérites du Christ et implorant, là encore, sa tendresse (ex : Seigneur Jésus, envoyé par le Père pour guérir et sauver les hommes, prends-pitié de nous). La quatrième est plus rarement utilisée, mais vivement conseillée pour le temps pascal : c’est le rite de l’aspersion avec l’eau bénite, qui rappelle notre baptême, et donc notre salut.
Le prêtre termine en implorant le pardon de Dieu : que Dieu tout puissant nous fasse miséricorde, qu’il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie éternelle. Cette formule d’absolution n’est pas sacramentelle, c’est-à-dire qu’elle n’opère pas d’elle-même le pardon (au contraire de la confession). Si on dit que la participation à la messe efface les péchés véniels (les « petits » péché du quotidien), ce n’est pas à cause de la préparation pénitentielle, mais de la communion eucharistique (à condition d’accueillir la grâce, bien sûr).

Dieu est grand !

Nous avons à peine repris notre souffle qu’il faut à nouveau chanter, puisqu’arrive maintenant sans transition le Gloire à Dieu. Attention : il ne s’agit pas d’un cantique de plus qui viendrait comme un cheveu sur la soupe, mais d’une hymne extrêmement ancienne, du IIe siècle, dont les premiers mots sont tirés tout droit de l’Évangile : gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ! (Lc 2, 14). C’est l’annonce de l’ange aux bergers la nuit de Noël, l’annonce de notre salut : aujourd’hui vous est né un sauveur ! Le Gloria est un rite à lui tout seul : on chante et on ne fait que ça. Nous avons reconnu que nous étions minables, nous avons demandé à Dieu de nous relever, et maintenant, debout, la tête bien haute, nous le remercions et nous disons tout le bien que nous pensons de lui. C’est donc un chant de louange et d’adoration qui doit éclater joyeusement, et non pas être récité mollement en pensant à autre chose …

Rassemblons notre prière

Nous sommes à présent bien réveillés, bien ensemble, prêts pour la prière. Ça tombe bien, c’est ce que va faire le prêtre au nom de tous : prions le Seigneur. Parfois, il introduit par la phrase Rassemblons notre prière, qui a le mérite de dire exactement de quoi il s’agit : rassembler la prière de chacun (ce que nous portons et apportons à la messe) dans une prière commune, qui d’ailleurs s’appelle collecte. Comme nous ne savons pas prier comme il faut (cf. Ro 8, 26), l’Église en a composé tout un tas qui se trouvent dans le missel. Ces oraisons (il y en a trois au cours de la messe) sont de véritables condensés théologiques, brefs et puissants, très structurés : une invocation à Dieu (« Dieu qui veux habiter les cœurs droits et sincères »), une demande (« donne-nous de vivre selon ta grâce ») et une finalité (« alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure »). Les oraisons sont de vrais petits bijoux, mais malheureusement nous en profitons rarement. D’une part parce qu’elles sont tellement courtes que nous n’avons pas le temps de rentrer dedans ; d’autre part parce que la formulation date un peu, voire même est franchement dépassée, et du coup reste un peu obscure. Un peu de dépoussiérage ne serait peut-être pas superflu …
La collecte, comme toutes les oraisons, se termine toujours par une formule trinitaire (« par Jésus-Christ ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec Toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles ») qui nous rappelle que tout ce que nous demanderons au Père nous sera accordé si nous le faisons au nom du Christ (cf. Jn 16, 23). L’assemblé ratifie la prière en disant Amen. C’est un mot d’origine hébraïque de la même racine que foi, confiance. Dans l’Évangile, on le traduit par en vérité. Ici, ça signifie en gros : ok d’ac’, je suis d’accord, c’est sûr.
Jusque là nous étions debout, nous pouvons maintenant nous asseoir pour écouter la Parole. Soyons attentifs ! dit le diacre dans la liturgie byzantine. Oui, soyons attentifs, car Dieu va parler, et il a des choses à nous dire.

Image © Elisée

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