La liturgie eucharistique : le temps de la communion

Nous sommes maintenant prêts à communier, à recevoir le Corps et éventuellement le Sang du Sauveur. C’est Jésus vivant qui vient à nous, c’est donc un moment important et plein de solennité et d’intériorité. Cela doit se manifester par notre attitude, que ce soit dans la procession, devant le prêtre ou à notre retour à notre place.

En marchant vers toi, Seigneur

En principe, le mouvement de communion doit commencer par le fond de l’église, à la suite des servants d’autel (quand il y en a). Il est consternant de voir certaines personnes des premiers rangs se précipiter au milieu de la procession, comme s’ils avaient peur de manquer ! On a envie de leur dire : « Ne vous bousculez pas ! Y en aura pour tout le monde ! » Si vous voyez une connaissance, ce n’est pas vraiment le moment de lui serrer la main et de lui demander des nouvelles du petit dernier : un simple signe de tête suffit en général à lui faire savoir que vous l’avez vue. La procession est l’ultime instant de préparation à la rencontre avec le Christ, ne le gâchons pas.

Que faire devant le prêtre ? La PGMR est très claire à ce sujet : « Les fidèles communient à genoux ou debout, selon ce qu’aura établi la Conférence des Évêques. Toutefois, quand ils communient debout, il est recommandé qu’avant de recevoir le Sacrement ils fassent le geste de respect qui lui est dû ». Geste de respect, c’est-à-dire génuflexion pour ceux qui le peuvent, inclination pour les autres. Le prêtre saisit alors une hostie et l’élève en disant : « Le Corps du Christ ». Le fidèle répond « Amen » en signe d’assentiment (et pas Merci), et reçoit l’hostie soit dans la main, soit dans la bouche. En cas de communion dans la main, l’hostie doit être consommée immédiatement, devant le prêtre, et non pas mise dans la poche (ne rigolez pas, ce sont malheureusement des choses qui se sont vues).

Un métabolisme inversé

La présence du Christ, réelle, n’est pas toujours sensible (mais ça peut arriver) ; la communion est donc un acte de foi. Pourtant, c’est un acte physique avant d’être spirituel : communier à la vie même de Dieu, c’est accepter de vivre corporellement du Christ, c’est participer au Vivant déjà dans la gloire. Et devenir Corps du Christ en gloire, c’est faire de son propre corps une ouverture à l’action de Dieu dans le monde. C’est consentir à devenir corps livré, sang versé, pour la gloire de Dieu et le salut du monde ! Impossible ? Bien sûr, si nous ne comptons que sur nos propres forces. Mais nous avons deux atouts.

Le premier, c’est la communauté : la communion est corporelle, mais elle est aussi corporative, elle nous incorpore au Corps du Christ qu’est l’Église ; nous ne sommes donc pas seuls. Et surtout, la communion agit comme un métabolisme inversé : Dieu est la nourriture qui nous consomme ! Manger Dieu, c’est être assimilé à lui. Pas d’un coup, bien sûr (nous n’y sommes pas prêts), mais petit à petit, dimanche après dimanche, jour après jour. Dieu nous a à l’usure, pourrions-nous dire. En réalité, ce n’est pas très compliqué, ni même difficile : il suffit de dire oui. Mais Dieu que ce oui est long à venir !

Alors vous comprenez bien que ce n’est pas dans le bruit et l’agitation qu’une telle démarche peut s’effectuer. On ne reçoit pas un tel hôte comme si c’était le facteur venu nous vendre le calendrier des postes ! Calme, silence, dignité … et cette audace folle de dire : je me donne à toi, Seigneur, comme tu te donnes à moi.

Dans la bouche ou dans la main ?

S’il est une question qui divise les catholiques, c’est bien celle-là ! Un comble, pour un sacrement censé établir la communion des fidèles entre eux … J’en parlerai donc avec prudence, et dans le souci de ne blesser personne.

Les premiers chrétiens communiaient dans la main ; Saint Cyrille de Jérusalem (315-387), docteur de l’Église, disait : « Fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisque celle-ci doit recevoir le Roi de ta vie ; et dans le creux de ta main, reçois le Corps du Christ en redisant : Amen ! Prends-le, veille à n’en rien perdre. Dis-moi, si on te donnait des paillettes d’or, est-ce que tu ne les garderais pas avec le plus grand soin, en veillant bien à ne pas en perdre ! Ne dois-tu pas être plus attentif encore à ce qui est bien plus précieux que l’or et les pierres précieuses, pour ne pas en laisser tomber une miette ? »

Ce n’est que vers le Xe siècle que la communion dans la bouche a été établie dans l’Église. Encore aujourd’hui, c’est cette manière de faire qui est officiellement recommandée, la communion dans la main étant simplement autorisée. Vous trouverez ça et là plein de bonnes raisons à cela : respect envers les choses saintes, propreté douteuse des mains (et de la bouche ?), désir de recevoir plutôt que de prendre, dignité, etc. En vérité, la seule raison, et elle est excellente, c’est d’éviter la profanation de l’hostie consacrée. On voit parfois dans nos célébrations des choses ahurissantes, comme ce papa partageant l’hostie avec sa fillette de trois ans, ou pire, cette dame en donnant un morceau à son chien ! Sans parler des personnes qui arrachent presque l’hostie des mains du prêtre au lieu de la recevoir à deux mains, ou celles qui l’emportent avec elles (pour en faire quoi ?). Je connais des gens qui font le choix exigeant de ne pas communier, en raison de leur situation personnelle ; quelle doit être leur souffrance en voyant autant de désinvolture !

Pour autant, la communion dans la bouche a aussi ses inconvénients, notamment pour celui qui donne la communion : se retrouver avec de la salive, voire du rouge à lèvres, sur les doigts n’a rien d’agréable. Sans compter qu’il est plus émouvant de voir quelqu’un se présenter devant soi les mains tendues comme un mendiant de Dieu plutôt qu’en tirant la langue !

Nous en avons besoin

Ce qui est sûr, c’est qu’on ne « se donne » pas à soi-même la communion : on la reçoit. C’est un Don et non pas un droit, ni un dû. Il ne faut pas le faire à la légère, mais il ne faut pas ne pas le faire du tout. À un paroissien qui refusait de communier parce qu’il ne s’en sentait pas digne, le Curé d’Ars (qu’on ne peut quand même pas taxer de progressiste !) répondait : « Vous n’en êtes pas digne, mais vous en avez besoin ! » Et pourquoi en avons-nous besoin ? Parce qu’il s’agit du Pain de Vie ! Parce que chaque eucharistie nous configure une peu plus au Christ, à ce que nous sommes appelés à devenir. « Devenez ce que vous recevez » disait saint Augustin. Communier, c’est se mettre en mode eschatologique : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous ». C’est donc, en quelque sorte, une question de vie ou de mort …

Sous les deux espèces

L’usage de communier au précieux Sang s’est perdu au fil des siècles, mais il a été remis à l’honneur depuis Vatican II. La pratique est toutefois délicate à mettre en œuvre, d’une part pour des raisons pratiques (quantité de vin à consacrer, mouvement de communion), d’autre part, et surtout, parce que beaucoup de fidèles ne savent pas s’y prendre, ce qui donne lieu à des scènes insolites, comme ce monsieur trempant les doigts dans le calice avant de se signer, comme s’il s’agissait d’eau bénite !

Pour éviter de genre de choses, le plus sûr est que le prêtre trempe lui-même l’hostie consacrée dans le précieux Sang et donne ainsi en même temps Corps et Sang au fidèle directement dans la bouche (ça s’appelle communier par intinction). Lorsque les deux espèces sont données séparément, le ministre de la communion peut simplement tendre le calice au fidèle en disant « Le Sang du Christ », et le fidèle, après avoir dit Amen, boit lui-même à la coupe. En principe, il n’a pas le droit de tremper lui-même l’hostie dans le vin consacrée (qui équivaut à se communier, c’est-à-dire se donner à soi-même la communion), mais dans la pratique, il vaut mieux ça plutôt que de refiler sa grippe au suivant …

Peut-être avez-vous déjà remarqué une ou deux personnes se déplaçant vers l’autel avant les autres et communiant directement au calice, sans communier au Corps. Ce sont tout simplement des personnes présentant une intolérance au gluten ; dans ce cas, elles se sont présentées au prêtre avant la messe.

Une respiration nécessaire

Après avoir distribué la communion, le prêtre retourne à l’autel et « fait la vaisselle », c’est-à-dire qu’il purifie (c’est le terme consacré) le ciboire et le calice. Puis il retourne à sa place et observe, lui aussi un temps de silence et d’action de grâce ; il ne faut pas avoir peur du silence en liturgie : non seulement c’est une respiration nécessaire dans le brouhaha de nos vies, mais c’est un élément propre du rite.

Le prêtre enfin rassemble la prière des fidèles dans une oraison bâtie sur le schéma de la collecte ou de la prière sur les offrandes : puisque nous avons communié au Corps du Christ, que nous recevions les fruits de cette communion. Par exemple : « Rassasiés par le pain de la vie, nous te prions, Seigneur : que cette nourriture fortifie l’amour en nos cœurs, et nous incite à te servir dans nos frères » (22e dimanche du temps ordinaire). Il ne reste plus qu’à conclure.

Image © Elisée

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